Thèse intitulée : Évaluer les performances environnementales des futurs systèmes aéronautiques durables : développement méthodologique et évaluation par l’analyse du cycle de vie
Les membres du comité
- Catherine Azzaro-Pantel, Professeur, Toulouse INP-ENSIACET – Présidente du jury
- Benoît Gabrielle, Professeur, Agro Paris Tech, Rapporteur
- Robert Malina, Professeur, Université de Hasselt, Rapporteur
- Sandra Beauchet, ingénieur de recherche IFPEN, examinatrice
- Florian Simatos, Professeur, ISAE Supaero, Examinateur
- Lorie Hamelin, Chercheuse, INSA Toulouse – Directrice de thèse
- Ligia Tiruta-Barna, Professeur, INSA Toulouse – Co-directrice de thèse
RESUME
Ce travail propose et applique une méthodologie permettant de comparer et d’anticiper, par l’analyse du cycle de vie (ACV), les conséquences environnementales d’investissements dans quatre systèmes d’aviation alternatifs au kérosène fossile. Il s’agit des biocarburants de deuxième génération, des électrocarburants (à partir de dioxide de carbone, CO2, atmosphérique/industriel, combiné à de l’hydrogène renouvelable, H2), des batteries électriques et des systèmes à H2 (soit par combustion, soit dans des piles à combustible). L’emphase de cette thèse porte sur l’aviation commerciale (passagers et fret), qui représente 88% des émissions de CO2 de l’aviation mondiale.
Ce travail étudie quatre voies pour les biocarburants : esters et acides gras hydrotraités (HEFA) avec des huiles usagées, gazéification de la biomasse suivie soit de Fischer-Tropsch (FT), soit de la fermentation du gaz de synthèse et de la valorisation de l’alcool (Ethanol-to-Jet), et fermentation du sucre et valorisation de l’alcool (Isobutanol-to-Jet). A ceci s’ajoutent deux voies pour les électrocarburants avec des technologies de capture du carbone basées sur un sorbant liquide ou solide, quatre voies pour les batteries (à base de Li), et deux voies pour la production d’H2 par l’électrolyse de l’eau. Les systèmes entièrement électriques ne sont envisagés que pour les segments domestiques (avion de 19 passagers) ; pour les segments internationaux, un système hybride avec le kérosène fossile est considéré. Les comparaisons sont effectuées sur la base de l’unité fonctionnelle suivante : “Assurer l’approvisionnement mondial annuel de 6 trillions de kilomètres-passagers payants (RPK) de vols intérieurs et de 9 trillions de RPK de vols internationaux”, lui-même basé sur les prévisions de l’ICAO
(International Civil Aviation Organisation).
Le cadre comparatif bâtit par cette étude couvre des questions essentielles généralement négligées dans les analyses précédentes, notamment le fait que : i) dans les conditions actuelles, les carburants liquides de substitution doivent être mélangés au kérosène fossile ; ii) les biomasses résiduelles, lorsqu’elles sont mobilisées pour l’aviation, sont détournées d’une autre utilisation (utilisation contrefactuelle) ; iii) les carburants peuvent affecter le type et le nombre d’avions nécessaires pour fournir le service décrit par l’unité fonctionnelle, notamment en raison d’une pénalité de masse induite ; iv) certains des systèmes impliquent des infrastructures supplémentaires, y compris pour la fin de vie, et v) une comparaison équitable nécessite la prise en compte des facteurs de forçage du climat autres que le CO2, tels que les NOx, la nébulosité induite, la vapeur d’eau, le noir de carbone et les sulfates.
Deux horizons temporels ont été considéré : court terme 2035 et long terme 2045. Les principales différences sont les suivantes : (i) le long terme suppose que le mélange avec le kérosène fossile ne sera plus nécessaire, et (ii) le gaz naturel est utilisé comme source de chaleur à court terme alors que la chaleur est entièrement électrifiée à long terme.
Au total, 16 impacts ont été quantifiés, et six impacts ont été étudiés plus finement, dont celui sur les changements climatiques. Les résultats d’impacts pour le changement climatique indiquent, à court et à long terme, que tous les scénarios sont plus performants que le kérosène fossile, à l’exception du scénario HEFA à court terme. Cela est dû à l’utilisation contrefactuelle des huiles usagées pour le chauffage, alors fourni par le gaz naturel. Les biocarburants et les électrocarburants sont fortement pénalisés par les exigences de mélange avec le kérosène fossile à court terme ; cela vaut également pour les systèmes de batteries électriques hybrides (segments internationaux, aux deux horizons temporels). Tous les systèmes à H2, ainsi que les systèmes biocarburants (all) (à l’exception de HEFA)
et les systèmes entièrement électriques, ont un impact net nul (ou négatif) sur le climat. Cela s’explique par l’importante quantité de chaleur récupérée à la fois dans le processus de gazéification et dans la production d’hydrogène, ce qui se traduit par une économie de gaz naturel. C’est pourquoi les résultats sont très différents à long terme, les systèmes dont la performance dépend moins de la chaleur récupérée (biocarburants, tout électrique, et H2) étant plus proches d’une performance à impact climatique nul. Les autres impacts sont principalement dus à l’électricité.
Mots-clés: Analyse du cycle de vie (ACV); Batteries (électriques); Biocarburants ; Carburants d’aviation durables (SAF); Electrocarburants ; Hydrogène; Systèmes d’aviation durable (SA) ; Transition Energétique