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Et si on produisait, par une voie biologique et renouvelable, des molécules d’intérêt qui servent l’industrie chimique ?

boite à gants

Les travaux menés par l’équipe PEEP de TBI autour d’une bactérie impliquée notamment dans la production de butanol pourraient permettre, à terme, d’industrialiser cette production dans le cadre d’un procédé biologique et renouvelable, et à des coûts maîtrisés. Les résultats de cette recherche ont fait l’objet d’une publication dans la prestigieuse revue scientifique Nature Communication.

Ils sont tous les deux spécialisés en ingénierie métabolique et physiologie microbienne et viennent de franchir une étape importante avec leur équipe. Isabelle Meynial-Salles et Philippe Soucaille, des enseignants-chercheurs de l’INSA Toulouse, membres du laboratoire TBI, ont en effet réussi à identifier et caractériser des enzymes clefs du métabolisme d’une bactérie, la Clostridium acetobutylicum et à montrer que leur implication est essentielle pour la synthèse de n-butanol. Le n-butanol est un alcool dit de « fusel », qui peut notamment être utilisé comme carburant pour les moteurs à essence non modifiés ou comme molécule de base pour la chimie.

Ces résultats représentent une étape importante : ils devraient permettre, à terme, de mettre au point des souches ne produisant que du butanol et donc de développer cet alcool par « une voie biologique et renouvelable, avec les coûts de production les plus bas possibles », précise Philippe Soucaille.

Derrière, un large marché applicatif

Les débuts de ces travaux, qui ont bénéficié de financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR) mais également du BIOCORE European Project, remontent à une dizaine d’années. « La fermentation de cette bactérie est largement étudiée depuis de nombreuses années et sa caractérisation physiologique avait également montré la présence d’activité de ces enzymes On savait depuis très longtemps qu’un flux original d’électrons était nécessaire pour convertir les sucres en butanol, mais on ne savait pas quelles enzymes étaient impliquées dans ce flux d’électrons », explique Philippe Soucaille. « Nous avons identifié ces enzymes, puis caractérisé les gènes codants pour ces enzymes, ce qui va nous permettre de créer une souche qui ne produira que du butanol comme produit de fermentation ».

Mais pourquoi viser la production de butanol ? « Parce que le butanol est un très bon bio-fuel qui, contrairement à l’éthanol, peut se mélanger à l’essence sans modification des moteurs », répond l’enseignant-chercheur. « Et le marché potentiel est vaste puisque, outre pouvoir être utilisé comme carburant, le butanol est également utilisé, par exemple, comme solvant ou pour produire des peintures acryliques ». Les suites qui pourraient être données à ces travaux permettraient donc de s’inscrire dans un double enjeu : « répondre à une réelle demande des industriels de la chimie en matière de butanol, alors que par ailleurs le prix des barils de pétrole sont à la hausse, et offrir une option alternative à toutes les voies chimiques utilisées pour élaborer ces produits, qui se distinguent par leur côté polluant ».

Des équipes rares en France à étudier cette bactérie

Pourtant, les chercheurs qui travaillent en France sur ce type de bactérie sont rares. Pourquoi ? «  Tout d’abord il s’agit d’une bactérie qui nécessite l’utilisation de procédures et de matériels spécifiques pour mener à bien les travaux. La caractérisation de protéines et l’identification de leurs gènes nécessitent en effet l’emploi de techniques classiques de biochimie », explique Isabelle Meynial-Salles. « Si la purification / caractérisation d’enzymes inconnues était il y a quelques années le quotidien des laboratoires de biochimie, beaucoup se sont tournés depuis vers les outils numériques d’analyse de séquences de génome, car cela peut être plus rapide. Mais cela ne permet pas de répondre à toutes les questions. Nous sommes parmi les rares en France à continuer à exploiter cette voie de biochimie, car cela représente un travail lourd et nécessite de disposer d’équipements spécifiques, que nous avons. En effet, ces enzymes n’ont rien de commun avec d’autres : il faut les isoler, les purifier et faire toutes les manipulations dans des milieux exempts d’oxygène car elles sont sensibles à celui-ci ».

Des travaux qui ont vocation à être poursuivis et à s’élargir

Mais tout cela n’est qu’une étape. Outre travailler désormais à développer des stratégies d’ingénierie métaboliques pour développer des souches qui vont permettre la production de ce butanol, l’équipe compte également poursuivre le même type de recherche pour servir la production de diols, des composés organiques utilisés par exemple pour produire des polyesters ou des agents dégivrants pour les avions.

« Nous avons vraiment la volonté que nos recherches fondamentales soient utiles pour la société ».

Les deux chercheurs aiment aussi souligner que leur engagement dans ces travaux n’est pas lié aux seules perspectives applicatives qu’ils permettent d’entrevoir. « Nous faisons ça aussi parce que l’avenir de la société nous préoccupe », souligne Isabelle Meynial-Salles. « D’où notre engagement de longue date dans la biotechnologie pour les avantages qu’elle présente d’un point de vue environnemental. Nous avons vraiment la volonté que nos recherches fondamentales soient utiles pour la société. Et pas seulement pour leur intérêt d’un point de vue environnemental, mais aussi pour qu’elles puissent servir l’économie, contribuer à créer des emplois, etc. ».

Article publié sur le site INSA Toulouse

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