- M. Escudie RENAUD, LBE Narbonne
- M. Pierre FONTANILLE, Polytech Clermont-Ferrand
- Mme Annabelle COUVERT, ENSCR, Rennes
- Mme Claire ALBASI, LGC Toulouse
- M. Etienne PAUL
- Mme Yolaine BESSIERE
Membres invités:
- Mme Laetitia CAVAILLE, SAPOVAL
- M. Matthieu PEYRE-LAVIGNE
La thèse, menée dans le cadre du projet ANR SAVE, a pour objectif de répondre à deux grands défis dans le traitement des eaux usées urbaines : l’amélioration de la biodégradation des micropolluants et la réduction de la production de boue. Cette recherche s’inscrit donc dans les priorités de la Commission Européenne, qui prépare une révision de la directive sur les eaux résiduaires urbaines pour intégrer les enjeux environnementaux actuels. La digestion anaérobie est un procédé qui a un rôle déterminant à jouer dans ce contexte, lorsque l’on s’intéresse à la chaine complète de traitements des effluents urbains. Cependant, ce procédé présente des limites, notamment en ce qui concerne la biodégradation de la DCO particulaire et des micropolluants organiques, ce qui a suscité l’intérêt de l’entreprise SAPOVAL, partenaire du projet SAVE.
La configuration MAD-TAR combinant un digesteur mésophile avec un digesteur thermophile microaéré a été étudié lors de travaux précédents qui ont montré une réduction significative des boues et de certains micropolluants, par rapport au digesteur mésophile conventionnel. C’est pourquoi, ce travail de thèse s’est focalisé sur l’étude de ce procédé hybride visant une réduction de la production de boues, une production de biogaz, une élimination des micropolluants, ainsi qu’une diminution de l’impact environnemental des digestats en termes d’écotoxicité et d’antibiorésistance.
Dans une première partie, nous avons cherché à reproduire les résultats antérieurs (réduction de la production de boues) en pilote de laboratoire. En s’appuyant sur la comparaison entre trois configurations : une référence MAD (digestion mésophile), une configuration MAD-TAD (couplage avec un réacteur thermophile) et le MAD-TAR, nous avons cherché à comprendre quels processus biologiques, physiques ou chimiques permettaient d’expliquer les performances du MAD-TAR et la dynamique des concentrations des variables du procédé. A cette fin, un modèle des procédés basé sur le modèle ADM1 a été développé sur le logiciel Aquasim. Sur la base d’effets de la température, de la concentration en ammoniaque et de la concentration en oxygène, ce modèle a fait l’objet de modifications pour expliquer la dynamique des activités des populations microbiennes.
Les résultats expérimentaux des 3 configurations de pilote montre que la configuration MAD-TAR permet une amélioration significative de l’hydrolyse de la matière particulaire (14 %,) contrairement au procédé MAD-TAD, suggérant un rôle clé de l’aération. Des changements dans la vitesse d’hydrolyse, des accumulations transitoires d’AGVs, ainsi que des variations de la production de biogaz ont été observés dans le MAD-TAD et le MAD-TAR en comparaison du MAD.
La modélisation a ensuite permis de tester deux hypothèses différentes : l’une liée à l’augmentation du taux de mortalité dans le compartiment thermophile, l’autre introduisant un shift de population entre des microorganismes thermosensibles (Ts) et des microorganismes thermorésistants (Tr). L’hypothèse introduisant deux types de populations microbiennes Ts et Tr a montré une meilleure capacité à représenter les données expérimentales (l’hydrolyse de la matière particulaire, production des AGV et de biogaz) dans le MAD-TAD. On peut donc supposer que des populations thermorésistantes s’implantent dans le procédé du fait des passages séquetiels à haute température. Concernant le MAD-TAR, les résultats de nos modélisations ont montré que la fraction de DCO manquantes dans le bilan (21%) ne résulte pas d’une dégradation aérobie puisque la consommation d’azote pour la croissance n’est pas observée. La modélisation telle que proposée n’a pas permis non plus de confirmer une production anaérobie de méthane dans le TAR. Nous n’avons dons pas réussi à comprendre les mécanismes de cette dégradation accrue de la DCO particulaire dans le MAD-TAR. On pourrait proposer de reproduire l’expérience avec une quantification plus fine des flux de carbone qui sortent du TAR, par piégeage du CO2 produit par exemple.
Dans la troisième partie de la thèse, quatre molécules ont été quantifiées : la ciprofloxacine (CIP), l’azithromycine (AZY), l’ofloxacine (OFL), et la carbamazépine (CBZ). Si les conditions opératoires n’ont pas influencé l’élimination de la CIP et de l’AZY, les configurations thermophiles ont permis une meilleure élimination de l’OFL, avec une légère amélioration supplémentaire dans le cas du TAR. La CBZ, en revanche, a vu sa dégradation améliorée dans les deux configurations thermophiles, sans distinction significative entre la présence ou non d’aération.
Outre l’amélioration de la dégradation des micropolluants, l’évaluation de la phytotoxicité des digestats a montré que les fractions liquides issues du procédé MAD-TAD étaient plus toxiques que celles des configurations MAD et MAD-TAR. Cette toxicité semble être liée à la concentration en azote ammoniacal, plus élevée dans le TAD en raison de l’absence d’aération, alors que l’aération dans le TAR permet de réduire cette concentration par stripping de l’ammoniac. Ces résultats soulignent l’importance de traiter la fraction liquide post-digestion pour éviter des impacts environnementaux négatifs, notamment une consommation accrue d’énergie pour la nitrification lors de la réintroduction dans les systèmes de traitement, voire l’intérêt de chercher à récupérer ce flux d’azote en vue de sa valorisation.
Concernant l’antibiorésistance, les résultats montrent un effet prometteur de la thermophilie, avec une réduction de la résistance aux aminoglycosides, bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour confirmer ces résultats, notamment en élargissant le panel d’échantillons étudiés à des effluents hospitaliers.
En conclusion, les résultats de cette thèse contribuent à une meilleure compréhension de la dynamique des populations dans les digesteurs hybrides. De plus, ils offrent des indicateurs permettant d’évaluer les impacts environnementaux des digestats.