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Deux chaires aux extrémités scientifiques de TBI

Lorie Hamelin Christophe Danelon

En 2022, TBI a été lauréat de deux chaires de professeur junior qui lui permettent de recruter deux scientifiques qui ont déjà fait preuve de leur capacité à produire une recherche d’excellence. Les thématiques étudiées par ces scientifiques montrent la richesse et l’étendue des recherches menées au laboratoire. Rencontre avec Lorie Hamelin, lauréate de la chaire INRAE dédiée à soutenir les transitions durables et intelligentes vers les économies de demain à faible empreinte carbone (fossile) ; et Christophe Danelon, lauréat de la chaire INSA « cellules synthétiques ».

Rencontre avec Lorie HAMELIN

Quel est votre parcours ?

J’ai fait mon master et mon parcours d’ingénieur à l’Université Laval au Canada en génie agro-environnemental puis j’ai fait un doctorat au Danemark (University of Southern Denmark) où le but était d’évaluer le rôle de la biomasse dans une stratégie danoise pour avoir 100% énergies renouvelable pour 2050. Ensuite j’ai fait un post-doc puis je suis passée « assistant professeur » à cette même Université danoise. Dans le cadre d’un programme ERA Chair de l’Union Européenne, j’ai œuvré en Pologne durant une année. Le but du programme était de fortifier les compétences de recherche en bioéconomie dans ce pays. Puis en 2018, j’ai été lauréate du programme MOPGA avec le projet Cambioscop.

Quelle est votre expertise ?

Je suis experte dans l’analyse environnementale avec la méthodologie d’analyse de cycle de vie (ACV). Mon expertise est à l’interface entre le génie environnemental, les systèmes d’énergie renouvelables, l’économie circulaire et la bioéconomie. Je m’intéresse aux grandes transitions de systèmes et en particulier à celle qui consiste à passer vers une économie sans carbone fossile, un incontournable pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. J’ai également une compétence forte en agro-écologie du fait de ma formation en génie agricole.

Sur quoi porte cette chaire ?

C’est une chaire sur les transitions vers une économie à bas carbone fossile. Il y a 2 grands axes de recherche, guidés par les 3 objectifs suivants, tous nécessaires pour atteindre les cibles de l’accord de Paris : (1) Induire de la séquestration additionnelle de carbone (émissions négatives), (2) laisser les ressources fossiles dans le sous-sol, (3) développer des solutions durables pour remplacer ces ressources fossiles.

Tout d’abord je vais m’intéresser à la séquestration du carbone dans les sols agricoles, en m’intéressant tout particulièrement aux couverts végétaux pouvant être implantés sur les sols nus, et ce à différentes échelles spatiales. Une fois ce potentiel de séquestration quantifié, l’impact environnemental de différentes stratégies d’utilisation de la biomasse générée grâce à ces couverts sera étudiée (par exemple, laisser la biomasse au sol afin que cela devienne un engrais vert ou soit la récolter complètement ou partiellement et puis faire par exemple du biogaz, ou des bio-matériaux).

Le second axe porte sur une meilleure compréhension de la prise de décision sur le terrain. Le but ultime des analyses de cycle de vie est de fournir un support scientifique permettant d’éclairer la prise de décision sur les enjeux environnementaux liés à différents investissements. Or, on s’aperçoit que souvent, les décideurs ne savent pas trop quoi faire de nos ACV… Souvent, ils ne vont regarder que l’impact sur le climat et au pire, l’analyse sera laissée au placard… Ce que je souhaite mettre en place, c’est un système d’indicateurs de performance qui soit pertinent pour les acteurs des filières concernées par la transition vers une économie à bas carbone fossile, qui pourrait varier en fonction des filières et des territoires. J’envisage ici la conduite d’entrevues qui permettront de déterminer si les acteurs comprennent les indicateurs et scénarios prospectifs utilisés actuellement, s’ils les considèrent pertinents pour la prise de décision, et s’ils en envisagent d’autres. La vision est de s’assurer que toutes nos solutions technologiques se traduisent en un véritable projet de société, et d’identifier et lever les verrous non-technologiques qui s’interposent à cette transition vers une économie à bas carbone fossile.

Comment va s’organiser la chaire ?

Cette CPJ est d’une durée de 3 ans, qui après évaluation positive, permet une titularisation DR2 au sein de l’INRAE. Je suis rattachée à l’équipe SOPHYE, et l’enseignement (à la hauteur de 42h par an) sera réalisée à l’INSA, principalement dans le département de GP3E. La recherche de la Chaire s’articulera à d’autres projets que j’ai en cours (ex. ALIGNED, NEGEM, Solnovo); les moyens associés à la Chaire (ANR et INRAE), me permettront de recruter et former des jeunes scientifiques qui pourront être associés aux différents axes de la Chaire, et d’avoir le fonctionnement nécessaire pour assurer le bon déroulement de la recherche.

Vers quelle direction souhaitez-vous orienter vos recherches dans l’avenir ?

Je souhaite profondément contribuer à une recherche qui permettra, même si c’est une goutte dans l’océan, de limiter le réchauffement du climat sous les 2°C tout en limitant les autres impacts environnementaux. Mes recherches futures vont continuer de s’orienter vers des solutions visant à (i) garder le carbone fossile dans le sous-sol, (ii) trouver des alternatives aussi durables que possible pour le remplacer, et (iii) induire des émissions négatives (séquestration à long-terme de carbone atmosphérique). Je souhaite également contribuer à une harmonisation de la méthodologie ACV, et y apporter des avancées méthodologiques, en particulier en ce qui concerne son application pour les produits et services bio-sourcés car il existe une certaine confusion qui pourrait décrédibiliser la méthode.

Quel est votre parcours ?

Je suis un ancien étudiant de l’université de Paul Sabatier à Toulouse et j’ai passé ma thèse à l’IPBS sur un sujet de biophysique. Ensuite, j’ai passé 6 ans à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse en tant que post-doc puis enseignant-chercheur. En janvier 2010, j’ai eu un poste de professeur à l’Université de Delft aux Pays-Bas et c’est là que j’ai commencé à mettre en place mon laboratoire sur la thématique des cellules synthétiques qui est devenu mon sujet de prédilection.

Rencontre avec Christophe Danelon

Quelle est votre expertise ?

Mes activités portent sur la biologie de synthèse, plus particulièrement sur un domaine qui s’appelle « cell-free » ou hors châssis cellulaire. C’est de l’ingénierie cellulaire mais à l’extérieur d’une cellule vivante. Une autre composante importante de notre recherche concerne la biophysique moléculaire, membranaire et cellulaire. Cette discipline fait partie de ma culture scientifique et je l’applique dans la biologie quantitative par exemple. Ou dans tout ce qui est modélisation computationnelle ou l’utilisation des méthodes avancées en microscopique analytique.

Saviez-vous que TBI participe depuis plusieurs années à la compétition iGEM en encadrant l’équipe iGEM Toulouse ?

Effectivement, je m’occupe également d’une équipe iGEM au Pays-Bas et je vais maintenant participer à l’encadrement de l’équipe iGEM Toulouse. C’est aussi via iGEM que j’ai commencé à repérer et à m’intéresser à TBI et à l’INSA Toulouse. Les beaux résultats d’iGEM Toulouse ces dernières années, m’ont rendu assez curieux sur les travaux de recherche en biologie de synthèse menés à TBI. C’est une belle vitrine pour le laboratoire et puis, dans mon cas, c’est quelque chose qui a stimulé ma curiosité pour faire les démarches auprès de TBI et voir s’il y avait des possibilités pour intégrer le laboratoire.

La chaire s'appelle « synthetic cell », que souhaitez-vous mettre en place durant cette chaire ?

C’est un projet qui s’inscrit dans la continuité des recherches que je mène déjà depuis bientôt 13 ans. Un des piliers forts de cette approche, en vue de recréer une cellule vivante, c’est l’utilisation de vésicules lipidiques qui jouent le rôle de compartiment. Ensuite on encapsule à l’intérieur de cette vésicule un ADN codant afin d’avoir toutes les fonctions biologiques encodées dans des gènes. Donc on a un compartiment, on a de l’ADN qui sert de support de l’hérédité et qui est l’élément de base, et on a la machinerie qui va convertir le programme génétique en protéines fonctionnelles de manière à ce qu’on crée des fonctionnalités cellulaires essentielles telles que la synthèse de phospholipides pour que la vésicule lipidique grossisse. Mais aussi toutes les protéines qui sont impliquées dans la réplication d’ADN et dans la division de la vésicule. On appelle ça des ‘modules’, des fonctions biologiques clés que l’on essaie de reconstituer.

Ce que l’on souhaite faire maintenant, et c’est le caractère innovant dans le domaine et l’environnement à TBI est propice à développer ce type de projet, se décline sur 2 axes :

  • Le premier c’est de faire de l’évolution dirigée, c’est-à-dire utiliser les principes d’évolution darwinienne appliqués en laboratoire, pour optimiser ces modules cellulaires, et comme source d’innovation pour créer des fonctions de plus en plus complexes qui ressemblent à des comportements de cellules vivantes. L’idée est d’appliquer les principes d’évolution dirigées qui existent depuis des décennies en biochimie, en biologie moléculaire, mais à l’échelle de la biologie de synthèse. On ne parle pas ici d’évoluer une enzyme isolée mais des voies métaboliques ou des circuits génétiques. Donc on passe de l’évolution dirigée à l’échelle d’une protéine à l’évolution dirigée à l’échelle d’un système entier artificiel.
  • La deuxième innovation technologique que l’on veut implémenter dans notre feuille de route, ce sont les méthodes robotisées à haut débit qui vont permettre de faire du criblage d’un grand nombre de conditions initiales, c’est-à-dire d’explorer des séquences génétiques et compositions moléculaires à large échelle. L’automatisation va ainsi permettre de produire des cellules artificielles qui sont de plus en plus autonomes.

Donc c’est l’utilisation de méthodes robotisées d’expérimentation à haut débit couplées au principe d’évolution dirigée en laboratoire qui vont servir de levier pour pousser les limites de la biologie de synthèse cell-free à un niveau qui n’a pas été atteint jusqu’à maintenant.

D’un point de vue organisationnel, comment va se dérouler cette chaire ?

Je vais intégrer l’équipe I2M de TBI. Dans mon cas, le contrat est de 3 ans. Au bout de ces 3 ans je serai évalué en vue d’être titularisé professeur INSA. Le budget de la chaire permet d’engager un étudiant en thèse, et ensuite il y a un budget complémentaire pour acheter du matériel et équipements. Je prévois de recruter un.e étudiant.e en septembre prochain. Le but étant de créer une équipe dynamique autour de la cellule synthétique avec des ramifications très fortes en biologie fondamentale mais aussi en recherche appliquée, qui pourrait coller aussi à d’autres thématiques au sein de TBI et de l’INSA ou sur le campus de Toulouse en général.

Mon but est de créer un pôle scientifique à TBI à la pointe de la recherche internationale en cellules synthétiques avec des collaborateurs locaux, des plateformes technologiques dédiées et des utilisateurs académiques et industriels.

Focus

Qu’est-ce qu’une chaire ?

Une chaire de professeur junior constitue une nouvelle voie de recrutement pour permettre d’accéder à un emploi titulaire de la Fonction Publique dans le corps des directeurs et directrices de recherche ou professeurs des universités. Après une période de prétitularisation de 3 à 6 ans et à l’issue d’une évaluation, cette personne pourra être titularisée en tant que directeur ou directrice de recherche (DR2) ou professeurs des universités, après avis d’une commission de titularisation.

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